J'ai reçu au début des années 1990 cette montre en cadeau de Louis Marnier, un cousin de ma mère.
Louis avait porté cette Oméga depuis 1972.
Comme c'est une tocante automatique hyper compliquée, la moindre réparation s’avère complexe puisqu'il faut trouver le bon horloger qui a les bonnes pièces.
Là c'est fait, je peux la porter à nouveau depuis 15 ans d'arrêt grâce à ma sœur qui a trouvé la perle rare à Étampes.
Louis devait bien m'aimer pour me faire un si beau présent.
Quand je l'ai connu, il était déjà dans sa bonne soixantaine, il avait les cheveux et la moustache blanche avec un petit chien de la même couleur.
Un monsieur d'apparence ordinaire avec une vie qui l'était beaucoup moins.
Il était de ceux qui avaient dit Non en 1940.
A moins de 20 ans il a rejoint la résistance.
Je n'ai jamais su d'où il tenait son expertise dans le maniement des armes dés son adolescence.
Chasse, braquages en région sud-ouest? Mystére.
Bien que non communiste, il a passé du temps dans les premiers mois de clandestinité à former les résistants dits rouges,dont on oublie qu'ils étaient les premiers dans les maquis, à manipuler pistolets, mitraillettes et grenades.
Il était plutôt discret sur ses exploits.
Je sais qu'il avait fait de grandes actions.
Protéger et cacher des juifs, saboter des trains, éliminer des SS et il m'a dit un jour avec tristesse se débarrasser d'un gendarme un trop zélé qui voulait arrêter son groupe.
Il a reçu la croix de guerre. Ami des Aubrac, il ne racontait pas d'histoires.
Ces vrais résistants qui risquaient leur vie savaient aussi beaucoup sur les faux résistants dont certains ont fait de remarquables carrières politiques. Je ne donnerai pas de noms.
Alors que je lui disais Louis tu es un héros, il m'a répondu non.
Les héros sont morts.
A la fin de la guerre, les gaullistes lui ont proposé d'entrer dans l'armée. Il a accepté.
C'est pour cela que je ne l'ai pas vu beaucoup avant sa retraite.
Indochine, Tchad, Algérie il était envoyé comme parachutiste puis instructeur sur tous les fronts de la fin de l'empire colonial français. Son talent dans les armes s' y est pleinement épanoui sans état d' âme.
Un jour il m'a dit une phrase qui m'a beaucoup surpris venant d'un bonhomme qui a failli se faire tuer mille fois.
«Ce qui est terrible aujourd'hui c'est le chômage»
Il vaut mieux se réaliser quitte à prendre tous les risques que devenir un esclave.